Les personnels Bibliothécaires, Ingénieurs, Administratifs, Techniques, Sociaux et de Santé font partie des populations de l'ESR les plus touché.e.s par la précarisation. Elles-ils participent pleinement au travail collectif de production du savoir. Or le monde de la recherche pense souvent être divisé strictement entre des fonctions d'entretien, qui ne lui seraient pas propres, et des fonctions de savoir, qui constitueraient son « cœur de métier ». C'est au nom de cette vision idéaliste de la recherche que les BIATSS se voient souvent relégué.e.s au second plan, à la fois dans la vie quotidienne de l'ESR comme dans les mobilisations sociales.
Pourtant, que serait une université ou un EPST (établissement public à caractère scientifique et technologique) sans :
On le voit, ce personnel représente en réalité la partie immergée de l'iceberg « recherche » trop souvent réduit à un monde idéal dans lequel flotteraient en apesanteur articles et idées, arguments et séminaires, méthodes et grandes œuvres scientifiques. Cette domination symbolique de l'immatériel sur le matériel a des conséquences réelles sur les BIATSS, qui font office de variable d'ajustement aux politiques néo-libérales de « réforme » de l'ESR. Dans un contexte de restriction de la dotation d'état, globalement, et relativement à la part de financement sur fonds propres (peu conçus pour employer des personnels BIATSS), ces travailleur-euses voient leurs effectifs fondre et leurs missions s’alourdir sans aucune contrepartie. Le recours à des entreprises de prestation permettant aux institutions d'imputer budgétairement la dépense non plus en personnel mais en service, leurs postes sont de plus en plus souvent externalisés. Cela les condamne à une relation d'emploi triangulaire (institution – entreprise de prestation de service – salarié) déchargeant l'institution de toute responsabilité juridique à leur égard, creusant leur écart objectif avec le reste du personnel des ESR, et compliquant la mobilisation sociale autour de leur situation.
I. L’Institut National d’Etudes Démographiques (Ined)
Brève présentation de l’Ined
« Fondé en 1945, l’Ined est devenu en 1986 un Établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) placé sous la double tutelle du ministère chargé de la recherche et du ministère chargé des affaires sociales. L’institut a pour missions d’étudier les populations de la France et des pays étrangers, de diffuser largement les connaissances produites et d’apporter son concours à la formation à la recherche et par la recherche. Par une approche ouverte de la démographie, il mobilise un large éventail de disciplines comme l’économie, l’histoire, la géographie, la sociologie, l’anthropologie, la biologie, l’épidémiologie. Fort de ses 10 unités de recherche, il encourage les échanges et conduit de nombreux projets de recherche européens ou internationaux. » (ined.fr)
Importance des précaires à l’Ined
L’Ined emploie autour de 240 personnes, dont au moins un tiers (soit 80 personnes au moins) de non-titulaires que l’on peut considérer pour la plupart comme précaires, embauchés en contrats courts allant de 3 mois à 3 ans. Les précaires sont présents dans tous les services et toutes les unités de recherche de l’Ined. Leurs conditions de vie et de travail nuisent à la fois au fonctionnement interne et aux relations interpersonnelles au sein de l’institut, pouvant donner lieu à des désorganisations d’équipes et des cas d’isolement et de burn-out, tous personnels confondus. Les stagiaires, notamment, sont bien mal lotis, car embauchés pour réaliser le travail de chargé.e.s d’études, sans pourtant toucher le même salaire (juste l’indemnité de base) ni être reconnus pour leur travail (leur nom n’est pas mentionné dans les études produites).
Aux non-titulaires en lien salarial direct avec l’Ined (contractuels) s’ajoute la cinquantaine de salariés des prestataires de services ayant contractualisé avec l’INED principalement sur des fonctions dites « d’entretien ». Les salariés de ces entreprises n’ont qu’un lien indirect avec l’INED et sont pris dans la triade Entreprise /Prestataire /Salarié qui les met dans une situation de grande fragilité juridique et les prive de pouvoir de négociation et de mobilisation syndicale.
L’exécution de missions ponctuelles demandant une expertise pointue (vérification et remise aux normes des locaux, des ascenseurs, des chaudières, travaux de peinture, nettoyage des vitres etc) justifie peu et rend très complexe la mobilisation pour les agents de ce type d’intervention. Par contre, il est tout à fait anormal que les missions permanentes soient assurés par des prestataires. Sur cinquante entreprises prestataires, trois assurent des missions permanentes à l’INED : la restauration, le ménage et l’accueil. Leurs agents sont présents à temps plein ou partiel sur le site de l’INED et nouent des rapports de travail et d’amitié durables avec le reste du personnel.
Les salariés responsable du ménage sont en fonction sur le site de l’INED depuis plus de quinze ans, mais toujours par l’intermédiaire d’un prestataire de service. Un accord tacite veut que lors d’un changement de prestataire pour le ménage, l’INED puisse exiger dans son appel d’offre la conservation des mêmes agents. Pourquoi ne pas alors les embaucher directement, comme c’était le cas avant le déménagement de l’INED du 14e au 20e arrondissement ?
Il en allait de même de la restauration et de l’accueil. L’INED est toujours propriétaire de l’ensemble de l’équipement de restauration, mais la prestation en elle-même (qui requiert 3 à 4 employés contrairement à une demi-douzaine auparavant) est maintenant assurée par une grande multinationale. Seules les structures dotées d’un service juridique suffisamment compétent, qui sont donc très souvent de grandes structures capitalistes, sont en mesure de répondre dans les délais et dans le respect des formes exigées aux appels d’offre publics que l’INED publie lorsqu’il a besoin d’une prestation.
Par conséquent, au lieu de ré-internaliser son service de restauration, l’Ined, établissement public, laisse entrer le grand capital au centre de son activité, et accepte que les salariés de l’entreprise de restauration soient sous-payés, primés au résultat, se voient imposer leurs congés etc., ou bien encore de se laisser imposer un fournisseur unique de produits alimentaires, lui-même poids lourd du secteur agro-alimentaire. Il faudrait donc au minimum se mobiliser pour que les cahiers des charges des appels d’offre incluent le respect de principes éthiques et environnementaux de base.
A l’accueil, enfin, la situation n’est pas meilleure. Les salaires sont très bas, les temps incomplets imposés, les temps de transport très long (3h en moyenne), les exigences professionnelles abusives (dress code très strict, maquillage à la charge des employées), et en cas d’absence, le personnel d’accueil est remplacé par du personnel intérimaire travaillant sur des contrats à la journée. Le personnel d’accueil n’a pas le droit aux avantages sociaux garantis même aux personnels les plus précaires de l’INED, comme un accès à tarif réduit à la cantine.
Mais aux nom de difficultés passées avec du personnel d’accueil titulaire, l’INED accepte de travailler avec ce genre d’entreprise - par ailleurs déjà épinglée par l’inspection du travail- au lieu d’adopter des méthodes de management et de gestion des conflits qui permettrait d’avoir un personnel d’accueil titulaire et efficace. La philosophie sous-jacente de ce genre de décisions est, mis à part évidemment que les « fonctions d’entretien », moins dignes, peuvent servir de variable d’ajustement en cas de politique autoritaire, que le seul moyen d’avoir des services efficace est d’embaucher des salariés ultra-précarisés.
La contractualisation avec des prestataires permet en fait d’imputer budgétairement les dépenses liées à une mission donnée comme des dépenses de service et non comme des dépenses de masse salariale. Cela permet à l’Ined de dégager des budgets en recrutement qu’elle réserve à des fonctions jugées plus « dignes » et de respecter la ventilation préalable de la SCSP (dotation d’état), plafonnée en crédits mais aussi en emplois.
Création et revendications du Collectif des Non-titulaires
Depuis le mois d’avril 2016, s’est constitué à l’Ined un Collectif des Non-Titulaires (CNT) composé d’une quarantaine de contractuel.le.s, doctorant.e.s, post-doctorant.e.s et stagiaires. Après avoir échangé au cours de plusieurs réunions aux mois de mai et d’avril, le collectif a abouti aux revendications suivantes, soutenues par l’intersyndicale (CGT-CFDT) :
1 Revendications communes et générales
2 Revendications portant sur l’insertion professionnelle des contractuel.le.s
3 Revendications portant sur la rémunération
4 Revendications portant sur le logement
Actions du Collectif des Non-Titulaires
Une réunion d’information destinée à l’ensemble du personnel a été organisée jeudi 26 mai 2016. L’objet de la réunion était de présenter les revendications du CNT, en se focalisant sur la question des précaires travaillant sur des fonctions pérennes. 75 personnes s’y sont rendues, dont 6 responsables d’unités de recherche. Les personnes présentes ont apporté leur soutien au collectif.
A la demande du CNT, une rencontre entre six représentants mandatés par le CNT et le comité de direction a eu lieu le 3 juin. Le comité de direction a manifesté à plusieurs reprises sa réticence, voire son refus, à dialoguer et à prendre en considération le CNT. Il a remis en cause sa légitimité par divers moyens (collectif qui n’est pas un syndicat, qui se serait constitué pour défendre ses ami.e.s…), s’est réfugié derrière des arguments budgétaires présentés comme irréfutables pour couper court à la discussion et a cherché à intimider les représentants (attaques personnelles, ton péremptoire, soupirs…). Cependant, une nouvelle rencontre est prévue en septembre.
Une réunion d’information, qui a pris la forme d’un goûter, a été organisée le 16 juin afin de rendre compte à l’ensemble du personnel de la rencontre entre le comité de direction et les représentants du CNT. 65 personnes étaient présentes et nous ont renouvelé leur soutien.
Premier bilan de la mobilisation d’avril à juin 2016 : malgré des actions organisées dans l’urgence (dans le but d’alerter le personnel sur des contrats de précaires qui arrivaient à terme à ce moment-là), bonne réception et soutien du personnel de l’Ined. La dynamique est lancée. Les actions reprendront en septembre. Par ailleurs, les syndicats ont obtenu la création d’un groupe de travail réunissant la direction, les syndicats et le CNT sur la question des postes pérennes.
I - L’expérience de la mobilisation à l’ENS (fin 2010-2011) (notes prise à Nuit Debout, lors de la prise de parole d’Amid, commis de cuisine à l’ENS de 2005 à 2010)
•Les problèmes :
•Mobilisation à partir du mouvement des retraites : les commis de cuisine (une dizaine) et les étudiants qui les soutiennent organisent une grève qui va durer 4 mois
•De la victoire aux poursuites disciplinaires :
Projection du film inspiré de cette lutte et intitulé « Retour à la normale » vendredi 20 mai 2016 à l’ENS, suivi d’une discussion sur la précarité dans l’enseignement supérieur
* les BIATSS dans les Comues, nouveau nid de précarité LORENA ou FABRICE, je crois que c'est vous qui aviez abordé la question ?
* clarifier la distinction ITA (titulaires) / BIATSS (non-titulaires). Les ITA sont titulaires mais des titulaires de seconde zone, il y a donc peut-être un intérêt à les inclure dans la lutte
* nécessité de recouper les bilans sociaux